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Il a créé une boutique de jeux d’occasion | Interview de Cyprien Astoury

Un de mes rêves serait de créer une boutique d’occasion à Montpellier, avec des vêtements, des livres de développement personnel et entrepreneuriat, des meubles sympas… Peut-être même un espace café, un mini espace conférence, etc. 

Je ne sais pas si je le ferai un jour et ce n’est pas pour tout de suite je pense, mais j’y pense de temps en temps.

En apprenant que mon voisin Cyprien venait de créer sa boutique de jeux d’occasion, j’ai donc eu super envie de l’interviewer pour qu’il nous raconte comment il s’y est pris et comment ça fonctionne.

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Que trouve-t-on dans ta boutique d’occasion ?

Je vends des jeux vidéos de “retro gaming”, c’est-à-dire d’avant 2000, et des cartes à jouer Pokemon, qui représentent le plus gros du chiffre d’affaires aujourd’hui. Je vais peut-être agrandir avec des jeux de société neufs et des figurines légo d’occasion mais ça c’est très “niche” (peu d’objets et peu de gens intéressés).

Quand as-tu créé la boutique ?

La boutique elle-même a été créée il y a trois ans par mon ami Laurent mais je l’ai rejointe fin juin 2022. Nous ne sommes pas associés, j’ai créé ma propre société pour la partie jeux d’occasion, mais je vends au sein de sa boutique à lui et nous avons une communication commune.

Laurent m’a cédé la vente de retro gaming, et c’est moi qui ai ajouté les cartes Pokemon.

Quelle taille fait la boutique ?

C’est un local assez grand de 100m2.

Que faisais-tu avant et pourquoi cette transition professionnelle ?

Pendant dix ans, j’ai été technicien dans un laboratoire de géologie. C’était très bien pour les projets de vie personnelle, car il y a beaucoup d’avantages à être fonctionnaire. Mais ce n’était pas le boulot du siècle. Le travail de paillasse, même dans la science, c’est répétitif, et pas passionnant. On est dans la technique, pas dans la science. C’est la partie ingrate de la science, mais il faut des gens pour ce boulot.

Avec Laurent, on a toujours voulu travailler ensemble. La question s’est posée quand son associé est parti. J’ai eu 48h pour me décider.

Les dix ans dans mon boulot précédent, ainsi que certains événements de ma vie m’ont permis de quitter mon travail.

Quand les gens me demandent “N’as-tu pas peur d’échouer ?”, je réponds que j’ai déjà réussi, du fait d’essayer.

J’avais des conditions faciles pour me lancer. Financièrement, mais aussi parce que Laurent m’a dit qui aller voir (notamment l’avocat pour créer la société, et le comptable), et dans quel ordre faire les choses.

Pour la partie métier, ça fait depuis 2010 que je fais de la vente pour m’amuser sur Internet, en chinant dans des vide-greniers, et en revendant, pour me faire de l’argent de poche.

Ça m’a rapidement plu de faire de la vente alors que je ne m’y attendais pas, car je n’ai pas du tout l’esprit capitaliste.

Donc j’ai appris sur la vente sur le tas, mais Laurent m’a aidé à gérer la clientèle, notamment ceux qui sont pénibles, car moi je peux être un peu sanguin. Lui aussi, mais il a vingt ans d’expérience dans le domaine donc il a appris à gérer ça.

Laurent a aussi l’expérience des prix en boutique, qui ne sont pas du tout les mêmes que sur Internet. Ils sont plus élevés parce qu’il y a une clientèle qui préfère aller dans les boutiques plutôt que sur Internet, où il y a des risques d’arnaques. Également parce qu’en tant que professionnels, il nous faut ajouter une TVA sur le prix des jeux. Et puis il nous faut faire une marge après avoir couvert les frais : local, comptable, assurances, temps passé à nettoyer les jeux, payer la réparatrice, qui n’est pas dans la société.

Sourcing : comment te procures-tu des jeux d’occasion à vendre dans ta boutique ?

Les gens ont la possibilité d’apporter leurs jeux d’occasion pour nous les vendre. C’est même la principale source.

Au début, c’était le stock que j’avais accumulé pendant des années, ainsi que des recherches que j’avais faites pendant deux mois pour ne pas avoir des vitrines vides, car les gens font demi-tour quand ils voient que c’est vide. Je voulais faire en sorte d’avoir des vitrines jolies, pleines, et bien agencées.

J’ai fait ça pendant les deux mois après avoir quitté mon boulot mais maintenant que je suis à la boutique six jours sur sept, je n’ai plus le temps.

Mon autre source, c’était les vide-greniers. Ils sont le dimanche alors j’ai un peu la flemme d’y aller sur mon seul jour de repos, mais j’y vais quand même. Cependant, ça fait six ans que je ne trouve quasiment plus de retro gaming. C’est d’ailleurs parce que je ne trouvais plus de retro gaming que j’ai commencé à acheter des cartes Pokemon.

Parfois, il y a 40 exposants et 20 à 25 chineurs comme moi qui cherchent la même chose. Si tu n’es pas là en premier, c’est mort. Et moi je ne suis pas assez “requin”. Certains uy vont à la lampe torche dans les coffres des voitures.

Quand tu es en train de négocier et que c’est un truc intéressant, il y a cinq personnes par-dessus ton épaule qui attendent le “non”. Il y a quand même un minimum de respect, les gens ne disent pas “moi je vous le prends à tant” alors que tu es toi-même en train de négocier. On sait que l’on va se retrouver dans les prochains vide-greniers, donc si tu fais une crasse à quelqu’un, il pourrait te rendre la pareille la prochaine fois, donc on évite.

Ça m’arrive de revenir sans rien et là c’est dur. Je vais continuer à le faire dans un premier temps car les finances en ont besoin, mais le jour où ça va mieux, j’arrêterai.

En deux mois de boutique, on m’a ramené l’équivalent de huit ans de vide-greniers, et c’était des choses que je ne trouvais plus du tout. En plus, en boutique, on peut essayer les jeux électroniques. En 5-10 minutes, c’est réglé, et on a moins de chances de se faire avoir quand on rachète.

Mais dans les boutiques spécialisées comme nous, les gens savent ce qu’ils veulent donc on paye plus cher. Mais si on n’y a pas passé 5h, comme dans un vide-grenier, ça vaut le coup.

Dans les boutiques généralistes comme Easycash ou Cash converter, ils partent du principe que les gens s’y connaissent moins donc ils proposent des prix moins chers. 

De plus, plus ils en ont en stock, moins ils reprennent cher. Le stock, ça coûte de l’argent. C’est dans le capital de la société et on le paye à la fin de l’année.

Mais personne n’a le pouvoir dans cette négociation, tout le monde peut dire non. Ça dépend à quel point la boutique est intéressée et à partir de quel point elle ne l’est plus.

Sur quoi te bases-tu pour estimer le prix de rachat des jeux ?

Ça dépend de l’édition, de l’état, à quel point c’est recherché, et le stock que j’en ai, et à quel point j’estime que ça va se vendre.

Parfois, on me demande “Vous reprenez combien les cartes Pokemon”. Mais ça ne veut rien dire. C’est comme me demander “À combien reprenez-vous une voiture ?”. Le prix de rachat sera très différent selon que c’est une vieille Peugeot, ou une Tesla.

Ça m’arrive de refuser des jeux quand ils sont en trop mauvais état : jaquette déchirée, jeu tout jauni… Ou alors je le reprends cinquante centimes. Je refuse aussi ce qui prend trop de place. Par exemple, aujourd’hui, je ne pourrais pas avoir une borne d’arcade.

Combien de temps as-tu mis à comprendre à quel prix vendre un objet, à connaître le marché ?

Ça a été très rapide. Je dirais trois bons mois car je faisais des vide-greniers tous les jours et je m’amusais à chercher les cotes sur Internet.

L’erreur qu’on fait quand on cherche les prix, c’est de regarder sur Leboncoin. Or, les prix que tu vois sont ceux de ce qui ne s’est pas vendu. Il vaut mieux regarder les ventes réussies sur Ebay. On voit que c’est divisé par deux ou trois par rapport à Leboncoin.

Combien de stock faut-il au départ pour pouvoir lancer une boutique d’occasion ?

Quand j’ai commencé, je savais que je n’avais pas assez de stock pour faire une boutique. C’est pour ça que j’ai cherché à en acheter d’autres, pour avoir des vitrines pleines.

Je voyais mon stock partir et je n’avais aucune entrée. Or, il n’y avait pas de vide-greniers à ce moment de l’année. Au final, ça s’est régularisé tout seul parce que je me suis fait connaître et les gens sont venus apporter des jeux.

Le stock dont on a besoin dépend de la taille du magasin et du montant de tes charges. En partant de tes charges, tu vois le chiffre d’affaires qu’il faut que tu réalises par jour, ce qui fera tant à la fin du mois.

Laurent comme moi, on ne savait pas quel stock il fallait. J’y suis allé comme ça, car je n’ai jamais douté que ce que j’allais vendre allait marcher. Après douze ans à m’amuser à vendre ça sur Internet, je connais bien le marché. Je savais que si j’arrivais à vendre comme je le faisais, via Internet, et avec la concurrence existante, je m’en sortirais avec la boutique. Et si ce n’est pas le cas, je continuerai un peu les ventes Internet pour compléter.

Tu ne te verses pas encore de salaire, comment vis-tu dans cette transition financière ?

Je me verserai un salaire quand je pourrai, je n’ai pas prévu un nombre de mois ou quoi. Je pense que ça peut prendre au moins deux ans.

En attendant, je vis sur mes économies. J’ai travaillé pendant dix ans, je ne suis pas un gros dépensier, j’aime bien rester chez moi donc je ne dépense pas beaucoup, et j’ai acheté mon appart il y a dix ans donc j’ai des charges mensuelles faibles.

La partie moins rigolote c’est que j’ai eu un héritage qui me permet d’avoir un revenu. Sans ça, je n’aurais pas pu me lancer aussi sereinement là-dedans.

Les charges en début de société sont basses. Je ne dépense pas plus par mois que ce que je ne gagne. Je pourrais même me verser un salaire mais ce serait 200€, et je préfère que ma société soit en bonne santé plutôt que de me verser un salaire.

J’ai des gens qui m’ont prêté de l’argent donc c’est eux d’abord et moi après. Dès que je rentre des sous, je leur donne à eux et moi je verrai plus tard. Je n’ai pas besoin d’argent, j’ai la chance de ne pas avoir de problème financier donc je n’en ai pas besoin urgemment, je peux vivre sur mes économies.

J’aimerais quand même me payer à terme car au bout d’un moment, j’en aurai marre de travailler pour zéro euro de l’heure.

Quel chiffre d’affaires as-tu réalisé depuis le lancement ?

Le premier mois, on a fait 9 500€ alors que l’objectif était de 3 000€ donc on était très contents. Après on va me prélever la TVA de 20%, donc je dois penser à mettre ça de côté. Et je dois payer toutes les charges, ainsi que l’impôt sur la société.

Le deuxième mois, on a intégré du neuf, donc on a gagné plus de chiffre d’affaires, mais avec des marges beaucoup moins importantes. Je gagne 82 centimes sur 6€ vendus. mais en faisant peu de marge sur ces produits.

Le marché de l’occasion permet à mon entreprise d’avoir une bonne santé. Si j’avais vendu du neuf uniquement, je n’aurais pas été aussi confiant.

Pourquoi avoir rajouté du neuf à la boutique ?

Parce que ça attire des clients, qui vont ensuite potentiellement acheter de l’occasion.

Pour les cartes Pokemon, je vends aussi du neuf. C’est la licence qui marche le mieux au monde, elle est largement en tête. Ils sortent des nouveautés tous les trois mois, voire moins, avec tous les goodies et tout. Si je n’ai pas la nouveauté le jour de la sortie, ils vont aller dans autre boutique.

Mais la seconde-main, sur le principe, c’est ce qui m’intéresse le plus.

Comment t’es-tu fait connaître ?

Premièrement, Laurent a une communauté, certes petite, mais assez réactive. Ils m’ont fait des stories et publications Instagram le jour où je lançais. Les gens découvraient que je vendais des cartes et des jeux rétro, et venaient parce qu’ils avaient vu ça sur Instagram.

Deuxièmement, c’est le bouche-à-oreille. Quand les gens ont découvert que c’était moins cher ici que dans d’autres boutiques, ils se sont fait passer le mot. Un jour, un client m’a dit que c’est quelqu’un sur le vide-grenier de Palavas qui lui avait recommandé la boutique pour y trouver les cartes Pokemon les moins chères de Montpellier.

Troisièmement, comme je me suis intégré à la boutique de Laurent, j’ai bénéficié de la clientèle qui venait acheter des produits chez lui et passaient voir ce que je vendais de mon côté.

J’ai l’impression qu’on peut vendre un produit d’occasion beaucoup plus cher qu’en vide-grenier, en le mettant en valeur en boutique. Qu’en penses-tu ?

Je suis complètement d’accord. Par exemple, si je mets les cartes Pokemon dans un classeur, dans une vitrine pour laquelle il faut me demander de l’ouvrir, ça met pas mal de barrières. À la place, j’en mets sur les présentoirs sur le mur (plutôt celles qui ne sont pas très recherchées). Et, au bout d’un moment, ça ne manque pas, elles se vendent, car ça demande beaucoup moins d’effort.

C’est comme la différence entre fouiller dans un carton au vide-grenier, après que plein de gens aient déjà fouillé dedans, et acheter un vêtement mis sur un cintre et en tête de gondole. En premier, tu mets ta plus belle veste, les gens la voient avant même d’arriver à ton stand.

Pour les meubles, si tu n’as pas un hangar pour les ranger, c’est plus compliqué. Certes, tu vas vendre le meuble 40€, mais pour rentrer vingt meubles, il faut avoir de la place. Il faut aussi compter le temps que tu vas passer à le remettre en état.

Pourquoi le marché de l’occasion t’intéresse-t-il ?

Je ne sais pas, je préfère l’occasion au neuf. En fait, ce qui m’intéresse, c’est surtout ces jeux-là, qui sont rétro, et donc d’occasion par définition. J’ai la nostalgie et l’amour de ces jeux d’avant 2000.

Après, c’est triste à dire mais financièrement, c’est plus rentable.

Qu’est-ce que tu aimes dans cette activité ?

Premièrement, j’ai le frisson quand je fais une vente.

Deuxièmement, la plupart des clients sont chill et compréhensifs. Le milieu “geek” en général est chill. Ils te racontent leur vie, tu parles avec eux.

Troisièmement, parfois j’apporte de la déco que j’ai chez moi, en lien avec ces jeux-là, car je me dis que ce sera plus beau là-bas et que je pourrai en profiter davantage vu que j’y passe la journée.

Quatrièmement, je n’ai pas l’impression d’aller travailler, que c’est un poids. J’y suis même allé un dimanche l’autre fois. Avec mes revenus, je n’avais pas besoin de travailler, mais c’était pour réaliser un rêve.

Et pour finir : comment s’appelle ta boutique, où est-elle située, et où peut-on te suivre sur les réseaux ?

La boutique s’appelle “G4me”. C’est un jeu de mot : “Game For (4) Me” en anglais, mais on dit “game” (jeu).

Elle est située dans la zone commerciale du Triangle bas, vers le Polygone, à Montpellier.

On vend ensemble avec Laurent sous le nom “Game” mais ma société à moi s’appelle Pyxidice et son compte Instagram est @pyxidice_montpellier.

Le mot de la fin d’Isis : ce que cette interview m’a appris

Par rapport à mon projet de départ, cette interview m’a permis de confirmer mon intuition qu’une boutique d’occasion où les objets sont valorisés, peut marcher en théorie.

Je voyais déjà le sourcing (comment on trouve les objets que l’on vend et quel temps on y passe) comme l’un des plus grands défis. Je pensais qu’il me faudrait passer des heures à chiner dans des vide-greniers ou sur Internet. Ça me plairait à petite dose, mais pas au point d’y passer tout mon temps. J’ai été surprise d’apprendre que, pour Cyprien, la majorité de son stock vient des objets que les gens lui apportent directement. Je me demande dans quelle mesure cela pourrait être le cas pour moi aussi, car ça me demanderait alors beaucoup moins de temps de ce côté-là.

Le deuxième grand défi, à mes yeux, est le temps passé à remettre les meubles et objets en état. C’est une compétence que je devrais apprendre dans tous les cas, mais j’ai la sensation que ce ne serait pas très rentable par rapport au temps passé. J’ai appris que Cyprien payait quelqu’un d’externe pour la réparation des jeux. Cela permettrait peut-être de rénover plus vite et avoir une boutique plus pleine, mais cela implique aussi des charges supplémentaires. Je me demande si une structure juridique associative ne serait donc pas plus intéressante, pour avoir moins de charges, et ainsi dégager un revenu plus intéressant. À creuser.

Le troisième grand défi est le stockage des meubles. Cyprien m’a confirmé que le fait que les meubles prennent de la place est plus compliqué car il faut alors une surface plus grande, qui va engendrer des frais plus élevés.

Ce qui m’a rassurée, c’est d’apprendre que l’on peut faire une marge beaucoup plus élevée sur de l’occasion que sur du neuf, ce qui serait propice pour dégager un revenu intéressant.

Ma conclusion est qu’il faudra que j’étudie plus en détail ce modèle le jour où je veux effectivement voir si ce projet vaudrait le coup.

Pour l’instant, j’ai un peu de mal avec l’idée de m’ancrer dans un territoire en créant une boutique physique car je veux garder la liberté de voyager et bouger quand je veux. Et je n’ai pas envie de passer ma journée dans une boutique. 

De toute façon, actuellement, je suis en train de mettre en place un modèle axé autour de la vente de livres, donc je veux me concentrer là-dessus dans un premier temps, et essayer d’obtenir un revenu plein par ce biais d’abord.

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